Le président sénégalais Macky Sall a débuté samedi son mandat à la tête de l’Union africaine. Sa présidence intervient dans un contexte particulier, marqué par une succession de coups d’État en Afrique de l’Ouest et une défiance grandissante de la population envers les instances régionales.
La passation de témoin avec le président sortant Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo s’est tenue lors de l’ouverture du 35ème sommet ordinaire de l’UA à son siège à Addis Abeba (Éthiopie) avec pour thème « Renforcer la résilience en nutrition sur le continent africain : accélérer le capital humain, le développement social et économique ».
Sa présidence intervient dans un contexte particulier, marqué par une succession de coups d’État en Afrique de l’Ouest et une défiance grandissante de la population envers les instances régionales.
État des lieux de l’UA
La nouvelle présidence de l’UA suscite un immense espoir sur le continent. D’abord parce que le Sénégal est un modèle de stabilité et d’alternance démocratique, ensuite parce que le président Macky Sall s’illustre comme une voix forte, écoutée tant par les Africains que par leurs partenaires internationaux. Des atouts qui ne seront pas de trop pour le nouveau patron de l’organisation panafricaine au moment où les turbulences politiques qui agitent le continent constituent une mise à l’épreuve des institutions. Celles-ci jouent leur crédibilité à l’heure où, partout en Afrique, les populations affichent une défiance grandissante à leur égard tant elles se sont jusqu’ici révélées incapables de les protéger de l’insécurité et de l’injustice sociale.
La recrudescence des coups d’état et la pandémie de Covid19 , sont entre autre les dossiers qui caractérisent depuis plusieurs mois des pays membres de l’Union Africaine qui devraient prendre des mesures non seulement pour renforcer la démocratie, mais aussi mieux gérer les problématiques croissantes de réfugiés transfrontaliers et de sécurité. Les prises de pouvoir militaires au cours de l’année écoulée, notamment au Burkina Faso, au Tchad, en Guinée, au Mali et au Soudan, ont souvent privé les citoyens de leur droit de choisir leur gouvernement, réduit à néant les progrès durement acquis en matière d’État de droit et entraîné de graves violations des droits humains.
L’instabilité, les troubles sociaux et les bouleversements politiques sont souvent ancrés dans les griefs de la population concernant la corruption et l’absence de volonté perçue des élites politiques de respecter leurs obligations constitutionnelles et leurs promesses de réforme. Coïncidence non-négligeable, la présidence sénégalaise démarre aussi au moment même où se tiendra le sommet UA-UE, prévu les 17 et 18 février prochains à Bruxelles. L’occasion de relayer les préoccupations, nombreuses, de l’Afrique.
Les défis à relever
Le président sénégalais Macky Sall assume la présidence de l’Union africaine à un moment où le continent est confronté à d’énormes défis en matière de sécurité et de santé, à des bouleversements politiques et à des troubles sociaux. Composée de 55 États membres, l’Union africaine a pour rôle de promouvoir la paix, la démocratie et le développement économique sur le continent. Entre la vague de coups d’État en Afrique de l’Ouest, la crise de confiance dans les institutions régionales ou encore la pandémie de Covid-19, les dossiers ne manquent pas pour le nouveau président de l’UA.
Au niveau de la santé, il est besoin d’une réponse concertée à la pandémie de Covid-19, car moins de 10 pour cent de la population du continent est entièrement vaccinée, principalement parce que les pays ont un accès inégal aux vaccins. Pour relever ce défi, Macky Sall devrait utiliser sa présidence de l’UA pour exhorter les États membres à augmenter leurs investissements dans les infrastructures de santé, tout en incitant les gouvernements occidentaux à faire en sorte que les entreprises qui ont développé des vaccins sûrs et efficaces contre le Covid-19 transfèrent largement la technologie à des fabricants compétents en Afrique et aux centres de transfert technologique de l’Organisation mondiale de la santé.
Macky Sall devrait également faire pression sur les gouvernements occidentaux et les institutions multilatérales pour qu’ils adoptent une levée de la protection de la propriété intellectuelle sur les vaccins, les traitements et les tests, laquelle sont au point mort depuis plus d’un an à l’Organisation mondiale du commerce. L’UA devrait également soutenir les efforts déployés sur le continent pour établir et mettre en place efficacement des mécanismes spécialisés visant à mener des enquêtes et des poursuites sur les crimes internationaux graves.
Au Soudan du Sud, la légitimité de l’UA est en jeu après plus de quatre ans de discussion avec le gouvernement sur la création d’un tribunal hybride qui pourrait aider à briser les cycles de violences et d’impunité dans le pays. Au Tchad, les victimes d’Hissène Habré attendent toujours des indemnisations, issues du fonds créé par le tribunal en 2016. Malgré ces défis, Macky Sall a l’occasion de démontrer le leadership de l’UA et son engagement vis-à-vis de ses principes fondateurs en adoptant des positions courageuses et sans compromis contre les abus cautionnés par des États, en répondant aux appels à la protection et à la justice des victimes, et en faisant pression pour des relations multilatérales justes et équitables avec les pays du nord.