Le délestage électrique prolongé donne des insomnies. Face à ce problème et à ces lourdes conséquences sur les maisons et les appareils électroménagers, les consommateurs n’en peuvent plus. Les coupures incessantes de l’énergie électrique font partie du quotidien des populations. Ces dernières semaines, les abonnés ont inondé les réseaux sociaux de récriminations à ce propos. Des quartiers de Douala et Yaoundé sont, en effet, privés d’électricité toute une journée voire une semaine entière
Que faire dans ces contions ? A la question de savoir si on est en droit de porter plainte contre cette entreprise en charge de la fourniture d’énergie électrique, Michel Noutche, juriste et homme d’affaire à plus de 20 ans dans la profession répond par l’affirmative « Les camerounais sont en droit de porter plainte contre Eneo ou contre ses responsables de toutes cette situation. Mais vous savez, ici chez nous, la justice contre ces gens là est une démarche difficile. Le problème est aussi au niveau de l’exécution de la décision de justice. Vous pouvez même gagner un procès mais la décision d’exécution traîne. Il y a le coté commercial et le coté distribution ca peut prendre du temps. Lors que vous avez un appareil qui est en panne, il faut toute une procédure, faire le constat. Ce qui n’est vraiment pas facile pour l’utilisateur lambda » explique t-il.
En effet en 2018, les habitants de Douala en avaient assez des coupures intempestives de courant. Ceux-ci ont alors constitué un collectif d’avocat pour défendre les droits de toutes les victimes d’ENEO Cameroun. Madame Mireille Fomekong, l’initiatrice du rassemblement avait publié un post sur Facebook disant qu’« un collectif d’avocat a été mis en place à la suite de ces cinq jours dans l’obscurité et de cette privation des Fêtes de Noël par ENEO. Cette action visait à envoyer un message fort sur les droits des consommateurs.
Une dette publique à l’origine de ce problème
S’il ne se passe plus une journée sans qu’ENEO ne coupe la lumière, c’est parce que l’entreprise en charge de la distribution d’énergie attend de l’Etat, un paiement de 45 milliards de Francs CFA nécessaires à la réduction des délestages. Pendant ce temps, les populations broient du noir. La dernière semaine du mois de janvier 2020 a été la pire pour les populations de Bepanda à Douala. La route du lieu dit 54 escaliers a été barricadée mercredi, 29 par des femmes et des jeunes gens qui réclamaient le retour de l’électricité partie depuis une semaine.
Cette pratique des délestages électriques est assez courante au Cameroun. Cependant, elle n’avait jamais atteint pareille ampleur. Depuis le début de la saison sèche, la structure en charge de la distribution de l’énergie coupe le courant, de jour comme de nuit. Dans la métropole économique, il est difficile de dormir sans ventilateur à cause de la chaleur et des moustiques. A tour de rôle, les populations sont plongées dans le noir. Les entreprises, les écoles, les particuliers, nul n’est épargné, pourtant, le pays a deux centrales électriques, d’une capacité cumulée de 304 MW. La central de fuel de Dibamba, dans le littoral et la centrale à gaz de Kribi 216 MW, dans la région du sud font du Cameroun le principal producteur du réseau énergétique de Globeleq (plus grand producteur indépendant d’électricité) sur le continent noir, devant la côte d’Ivoire (228 MW avec la centrale d’Azito) et l’Afrique du sud qui a trois centrales solaires et éoliennes d’une capacité globale de 238 MW.
Les délestages seront réduits si la dette est soldée
L’explication principale de ces coupures intempestives est la dette publique à l’égard d’Eneo. Dans son rapport annuel 2018, Eneo pointe l’ Etat comme son plus gros débiteur avec une dette de près de 39 milliards de Francs CFA dont un impayé de 11 milliards de la défunte camerounaise des eaux (CDE) qu’il a endossé après la renationalisation du service de la distribution de l’eau potable. Un pan de voile vient d’être levé sur l’issue des négociations menées depuis plusieurs mois entre l’Etat du Cameroun, Eneo et ses fournisseurs au sujet de la crise de liquidité qui frappe le secteur de l’électricité. « Dans le cadre des concertations conduites par le premier ministre, il faut saluer la décision de l’Etat du Cameroun de régler un premier lot de factures certifiées pour un montant de 45 milliards de FCFA(…) permettant l’injonction d’argent frais dans le secteur » relève Eric Mansuy, directeur général de l’entreprise contrôlée par les fonds d’investissements britannique Actis, dans une interview accordée au journal en ligne Energie Médias et publié le 11 février 2020. Le Français, arrivé à la tête du fournisseur camerounais de l’électricité en novembre dernier explique que « Cette opération (…) permettra l’apurement partiel des dettes des fournisseurs d’énergies et de combustibles, et d’assurer l’approvisionnement régulier en combustibles ». Ce paiement devrait donc permettre de réduire les délestages. Selon Eric Mansuy aux tensions de trésorerie s’ajoute la rareté des poteaux bois notamment utilisés pour les dépannages. En cause, la situation sécuritaire pécaïre dans le Nord-Ouest, région où Eneo tirait toute sa matière première. De ce fait la production des poteaux a baissé de plus de 90%.