Pour la deuxième année consécutive, le championnat de football féminin se tient en ce moment au Soudan. Il est perçu comme un symbole de l’émancipation des femmes, mais les défis restent toujours nombreux pour celles qui brisent les tabous d’une société conservatrice. Une telle compétition aurait été inimaginable au cours des 30 ans de règne d’Omar el-Béchir, déchu en avril 2019.
Dans un stade du centre-ville, l’arbitre donne le coup d’envoi d’un match impensable pendant trois décennies de dictature islamique. Pour ces joueuses éduquées sous la charia, comme Danet Habeel, participer à une compétition officielle et en public n’était qu’un rêve lointain.
« Quand j’ai commencé, mes parents ont rejeté ma vocation. Mais j’ai prouvé que je devais jouer au foot, que j’aimais tellement ça. Au début c’était compliqué, surtout dans le quartier dans lequel je vivais. Les gens étaient convaincus que ce n’est pas un sport pour les filles, que c’est réservé aux garçons », dit Danet Habeel.
Se cacher pendant des années pour jouer au football
Le Soudan a été l’un des pionniers du football en Afrique, cofondateur à Khartoum de la Confédération africaine de football (CAF). Mais après l’adoption de la loi islamique en 1983, le football féminin est resté inexistant. En novembre 2019, les nouvelles autorités ont abrogé une loi sur l’ordre public visant les Soudanaises jugées coupables « d’actes indécents et immoraux », puis dans la foulée, la première ligue de football féminin était créée.
Dans les gradins se trouve Naheed Bashir, l’une des seules femmes journalistes sportives au Soudan. « Malheureusement, pendant des années, les femmes ont dû se cacher pour jouer au foot. Les mentalités au Soudan sont étriquées et la société est si conservatrice qu’elle est opposée à l’idée qu’une femme puisse être une sportive à part entière. Cette compétition contribue à briser les barrières de la peur, des mœurs et de nos traditions. La révolution soudanaise a joué un rôle central », explique Naheed Bashir.
Une présence qui dérange toujours, mais des mentalités qui évoluent
Signe que la présence des femmes dans le sport dérange toujours, cette journaliste a été agressée le mois dernier par un policier alors qu’elle était accréditée pour couvrir un match de première ligue masculine. Sur les réseaux sociaux, un flot de critiques continue de viser le foot féminin.
Mais les mentalités évoluent petit à petit, se félicite Mervat Hussein, directrice du Comité soudanais de football féminin. « Le public est là, des hommes, des femmes, tous regardent le match. Il y a la télévision, la radio. Ce n’est plus un problème. C’est ça la vision du nouveau Soudan, des femmes qui commencent à faire la même chose que les hommes. Nous avons désormais une sélection nationale qui pourra participer à des compétitions à partir de février 2021, la Coupe du monde et la Coupe d’Afrique des nations. Ce sera une grande première pour une équipe soudanaise, dans toute l’histoire. »
Former une équipe nationale, c’était le rêve de toutes ici et il est en passe de se réaliser. De l’avis de toutes les joueuses, les critiques à leur encontre ne font que renforcer leur motivation et les rendent encore plus déterminées à participer but après but à l’avènement d’un nouveau Soudan.
AVEC RFI AFRIQUE